Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dence, n’est-ce pas ? Mais lui, il s’est bien soucié qu’on trouve toutes ces lettres adultères sur son corps, il s’est bien soucié de navrer le cœur de sa femme ! Ce qu’il voulait, c’était ne pas se séparer de ces feuilles chéries. Vous pourrez les compter un jour, car je vous les rendrai vos billets d’amour. J’en réponds d’avance, pas un ne manquera à l’appel !… Vous trouverez le compte !… Je sais ce que c’est maintenant que la fidélité du cœur !

GINETTE.

Votre douleur se cogne à droite et à gauche… Comment pourriez-vous reconstituer d’ailleurs ! Je vous en conjure, croyez-moi, ne diminuez pas le sacrifice qu’il a fait de sa vie, ne le mêlez pas à l’erreur d’un moment qui ne l’a pas conduit à ce chemin sublime. L’homme de la Croix-Rouge me l’a répété encore en sortant : « Dites-lui qu’il est tombé en héros ! » Vous comme moi, Cécile, nous n’avons été qu’un tremplin d’où son âme s’est élancée. Celle qui vous l’a pris n’est pas ici. Elle est là-haut ! elle est là-bas !

CÉCILE.

Non, elle est là à mes genoux ! La guerre va dévorer tout l’amour du monde ! Ah ! je la hais bien aussi, la guerre ! Derrière elle, il ne restera rien ! Elle dévastera tout l’amour ! oui, mais elle ne tue pas le souvenir, la guerre !… Tandis que vous !… D’elle et de vous, ç’a été la moins abominable !

GINETTE.

Cécile, vous n’avez pas pu lire suffisamment ces lettres ! Vous vous trompez. Il faut que vous les lisiez. Vous les lirez. Ce ne fut pas une aventure d’amour ; non, ce n’est pas une trahison. Réfléchissez ! Aurait-il gardé ces lettres sur lui au