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CÉCILE, (dès que le portefeuille est ouvert, dans un redoublement de larmes.)

Son écriture… tenez, sa chère écriture penchée !… Tenez, tout de suite, mes lettres… les vôtres aussi !

GINETTE, (sursautant.)

Les miennes ?… Donnez, donnez, que je voie…

CÉCILE, (lui passe une lettre dont Ginette se saisit brusquement.)

Pierre ! Pierre chéri !… Mais qu’est-ce que c’est que cette croix de sang… Du sang ! Le sien !… là-dessus… sur cette page ! Non ! c’est une croix tracée, sur une lettre… une lettre de vous…

GINETTE.

Donnez vite que je reconnaisse.

CÉCILE.

Mais ce n’est pas de vous, ça ?

GINETTE.

Donnez, je vais voir… je…

(Cécile lui repousse la main tout en lisant, puis elle a un mouvement de recul et prend du champ. Ginette reste immobile. Cécile lit, puis ses yeux se relèvent et se portent sur ceux de Ginette. Elle la fixe, d’une façon terrible dans le silence total. On n’entend que leurs respirations à toutes deux.)
GINETTE, (à voix étouffée.)

Eh bien ! quoi ?… Cécile ?

(Les deux femmes se considèrent ainsi longuement. Sous le regard effrayant de Cécile, Ginette a instinctivement reculé.)
CÉCILE, (la voix changée, et avec une gravité menaçante.)

Ginette, vous allez me laisser seule avec ce mort.

GINETTE.

Mais pourquoi… Je…