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possible !… Mais oui, nul homme n’est tenu de faire plus que son devoir… lorsque la patrie elle-même ne le réclame pas… Mon chéri, c’est une espèce de fièvre qui te prend… Donne-moi ta main… Pourquoi me la refuses-tu ?… Ah ! Ginette, voyez comme vos paroles sont imprudentes, comme nous devons tous regretter d’avoir parlé à la légère !… Mais, n’est-ce pas, Ginette, dites-le lui, dans aucun cas, vous n’avez fait allusion à une lâcheté quelconque… Jamais nous ne l’avons incriminé ! Jamais personne n’a songé à venir lui dire qu’il était un lâche !

PIERRE.

Personne… mais moi.

CÉCILE, (avec éclat.)

Toi ! toi !… Il faut bien tout de même qu’il y en ait qui restent. Ils ne peuvent pas tous mourir !

PIERRE.

Il ne s’agit pas de mourir. Il s’agit de vaincre. Il s’agit d’être là.

CÉCILE.

Mais c’est abominable à la fin !… Tu ne vois pas l’état dans lequel tu me mets… Oh ! la façon dont tu as organisé cet engagement, derrière moi, sans t’inquiéter de ce que je pourrais penser ! Cette façon de me mettre, comme tu le dis, devant la chose accomplie ! Il y a là positivement quelque chose d’excessif, de révoltant… moi… moi… ta femme… J’avais le droit d’être consultée, y songes-tu ? Tu me brises… tu m’accables… Je ne sais plus où j’en suis. Aie pitié de moi !

(Son pauvre visage exprime un bouleversement intense.)
PIERRE.

Ma chère Cécile, ma résolution est inébranlable.