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PIERRE.

Ma chère Cécile, j’agitais en moi depuis quelque temps des remords auxquels je ne t’ai point fait participer. Le résultat de mes réflexions, de mes décisions est tel que je ne pouvais que te mettre en présence du fait accompli. Je n’ai pas voulu que ta volonté entrât dans la balance.

CÉCILE.

Tu n’agis jamais qu’avec discernement et avec justesse, je n’aurais pu sans doute qu’acquiescer. J’écoute !… Ginette n’est pas de trop ?

PIERRE.

Voici… Je veux servir ma patrie comme les autres. Je suis en pleine force. Ma mise au rancart n’était, après tout, qu’une lâcheté. On a le droit dans mon cas de contracter un engagement. J’ai fait des démarches sans t’en avertir. Je me suis occupé de mettre avant tout ma conscience en règle. C’est décidé, j’ai obtenu mon incorporation au 162e d’infanterie où je reprends mon grade de sous-lieutenant.

CÉCILE, (se levant, tremblante.)

Tu as fait cela ? c’est fait, c’est décidé ?

PIERRE.

Je n’attends plus que mon ordre d’appel.

CÉCILE.

Et ce régiment se trouve où ?… (Pierre fait un geste qui a l’air de dire « je ne sais pas ».) Ah ! dans les tranchées alors, à la ligne de feu ?

PIERRE.

Au front.

CÉCILE, (avec un cri.)

Tu as fait cela ! Ton enfant, mon Dieu, ton enfant, et moi… moi !…