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diable allez-vous chercher là ! Toutes ces choses se réduisent à bien moins… bien moins… C’est l’histoire d’une pauvre petite émigrée, un petit bout de rien du tout qui est entré dans une maison amie, chez des gens adorables et pleins de cœur. Or, pendant qu’elle se mettait simplement à sa besogne d’infirmière, à son petit traintrain de vie, le cousin, comme dans les pires romans, a failli devenir amoureux de sa petite personne. Ça aurait pu se gâter, elle aurait dû se fâcher… et puis tout s’arrange… Voilà à quoi se limite exactement l’histoire.

PIERRE, (secouant la tête.)

Non, pas du tout. Vous savez bien que ce n’est pas ça ! N’essayez pas d’en diminuer les proportions ! C’est plus, beaucoup plus !… C’est même tellement, que, par moments, je me demande si ce n’est pas une seconde vie qui commence… Et si, tout à coup, je vous révélais la profondeur de mes sentiments, vous en seriez peut-être effrayée… Mais cependant, je sais, je lis dans vos yeux, dans votre attitude, que vous vous en rendez compte.

GINETTE, (fronçant les sourcils.)

Alors, taisez-vous encore et toujours… c’est ce qui vaudra le mieux.

PIERRE.

C’est une superstition ancienne qui vous fait dire : il vaut mieux se taire devant l’amour. Voyez-vous, je vous disais tout à l’heure une grande vérité, au sujet de ce soldat balbutiant qui s’en allait emportant avec l’amour qu’il vous a voué une grande force qui va le soutenir et l’embraser !… Je vous disais qu’un des miracles les plus merveilleux de cette guerre aura été de transformer les sentiments de l’homme devant la femme et réciproquement. Est-ce parce que vous