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« La Lépreuse » dont il s’agit a été tirée d’un fragment de gwerz, c’est ainsi qu’on nomme en Bretagne les ballades populaires. Chanté encore non loin du Huelgoat, ce fragment, que des lacunes rendent incompréhensible, permet néanmoins de supposer vraisemblable l’imagination de l’auteur. Celui-ci s’est appliqué au souci respectueux qu’il vient de dire. Et puisqu’il avait élu tel sujet pour les besoins de sa pensée, ce faisant, il s’est appliqué à ne point déformer la Bretagne contée. Il a conservé strictement, comme s’il eût continué la tradition, les formes séculaires du gwerz. Quand il a introduit des expressions locales en usage, il a été aussi exact que possible, s’autorisant des travaux de MM. Luzel et Le Braz et de cet admirable Breiz-Izel, de M. de la Villemarqué, dont il est difficile de nier l’authenticité. Il a fait intervenir aussi quelques refrains proverbiaux, communs à tous pays — car l’imagination populaire est malheureusement restreinte, — alors sans les orchestrer comme, à part Shakespeare et quelques autres, les transcripteurs se le sont généralement permis.

Mais d’avoir fait assez de silence en soi pour s’essayer à chanter comme dans les âges, telle n’était point notre intention définitive en écrivant « la Lépreuse ». Nous n’avons pas voulu tenter d’ajouter possiblement une chanson populaire à tant d’autres… ce travail ne nous nous concernait pas, et nous indiquons là le moyen seul, et non le but. Ne pas abîmer, mais non refaire. Nous n’eussions point d’ailleurs, autrement, employé la forme dramatique. Le but est ailleurs. Il est d’abord dans le transport au théâtre d’un tragique primordial, tentative qui, croyons-nous, réussit pleine-