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chemin bordé d’un double ruban de gazon, à la masse dure et malpropre qui, là-bas, lui avait tant fait mal aux pieds ! Encore tout impressionné de son mauvais rêve, l’enfant regarda ses talons tant la douleur avait été cuisante. Comme c’était enivrant, tout cet espace embaumé, et le chant des oiseaux qui se réunissaient autour de sa maison pour saluer le retour du matin. Là-bas, sur le coteau, l’aurore enflammait l’horizon d’un ruban de pourpre et d’or. Dans le pré, les brebis apparaissaient en de larges taches, blanches comme neige. Petit Pierre pensa soudain à la petite agnelle que sa mère lui avait donnée, et au cou de laquelle elle avait attaché un cordon rose où pendaient deux petits grelots jaunes.

Suivi de Pitou, il gravit la colline. Prenant la brebis dans ses bras, il s’assit tout petit dans la splendeur du matin, et le doigt levé, avec des yeux d’ange, il lui raconta son terrifiant voyage de la nuit dernière, tout en caressant l’agnelle de sa main potelée, il lui fit comprendre combien elle était heureuse de vivre avec lui, tout proche de l’Érablière, de ne jamais voir d’affreux visages grimaçants et d’entendre tous les jours chanter les oiseaux du Bon Dieu, en se gavant des fleurs et des herbes de la prairie. Sans