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Pourquoi donc son père, à lui, ne lui avait-il rien acheté ? Il ne lui parlait même pas, le rudoyait presque, lui si bon d’ordinaire, et si joyeux ! Et comme il faisait noir aux États ! Il ne distinguait plus rien, et tout ce monde sale, qui s’entassait dans le tramway ! Le petit homme songeait tristement à ces choses, quand son père le prit par le bras et le tira de la foule, pour descendre du tramway. On arrivait donc enfin chez l’oncle Antoine ! Alors Pierre ouvrit tout grands, ses yeux fatigués. Où étaient les trottoirs brillants comme de la glace et les beaux chevaux dorés ! Il ne voyait que des trottoirs gris sales et des rues où traînaient des chiffons et du fumier.

En fait de voitures, il ne passait que des lourds tombereaux chargés de houille. On voyait à peine le ciel, entre cette double rangée de bâtisses en briques poussiéreuses et si hautes et si serrées, qu’elles ne laissaient pas un jardin ! Et petit Pierre revit soudain, avec un réalisme navrant, la grand’cour au gazon vert, la file des érables encadrant la maison, la cuisine claire et gaie où sa mère berçait petit Jacques, rassasié de crème et de pain bis.