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les rudes journées du travailleur de la terre. La vieille mère songeait comme il serait doux, avant de mourir, de voir réunis au foyer et pour toujours, tous les êtres chéris qu’elle ignorait, et qu’elle avait tant regretté de ne pas connaître.

Bernard qui mangeait en silence, attentif à la conversation, dit soudain : Pourtant mon oncle, il y a bien des amusements dans les villes, bien des distractions ; et le travail dans les manufactures n’est pas difficile ni fatiguant, paraît-il. Tiens, dit Antoine en souriant, à vous aussi on a jasé de ça ?

— Oui, dit Bernard, en rougissant. C’est le gars au père Lafrance qui veut partir à l’automne pour Montréal.

— Grand bien lui fasse ! fit Antoine Leblanc. Il y aura toujours des tentateurs et des enfants prodigues ! n’est-ce pas, mère ? C’est vrai, continua-t-il, les amusements et les distractions ne manquent pas, mon cher Bernard, il y en a même beaucoup trop ! Il y a d’abord les buvettes à tous les coins de rue, avec une petite salle dans le fond ou dans la cave. Et là, les nouveaux camarades de l’usine vous amènent un soir, histoire de payer la traite… puis on vous fait entendre qu’il faut rendre la politesse, et petit à petit, le brave garçon de la campagne, y perd son argent, son courage, bien souvent son