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ouvertes, réjouissaient l’âme de cet enfant des villes, en donnant à sa figure trop sage un petit air espiègle qui lui allait à ravir. Il faisait en mangeant des mines drôles, et, Pierre se disait que Freddy était vraiment un cousin amusant et qu’ils feraient tous les deux une bonne paire d’amis.

Antoine dit en s’asseyant devant sa mère : si le père était avec nous, rien ne manquerait à notre bonheur.

— Pauvre Michel ! dit la mère Leblanc, les yeux remplis de larmes, il a tant souffert de ton départ ! Et il espérait ton retour avec tant de confiance… D’un printemps à l’autre il disait : Tiens, ça me dit que Toine va venir cet été ! Mais c’est la mort qui est venue pour lui, ajouta-t-elle avec un accent de reproche mal déguisé. Après un silence, Antoine reprit : sait-on jamais ce que la vie nous réserve ? Tous les ans j’espérais, comme ce pauvre père, de revenir ; mais il y eut toujours des obstacles qui m’en ont empêché.

— Oui, dit Joseph, tu dois avoir eu des tracas, toi aussi. C’est ce qu’on se disait, quand on te trouvait trop oublieux. Mais il faut avouer que tu n’étais pas bavard dans tes lettres, tu ne nous racontais jamais rien !

— À quoi bon, reprit Antoine. Quand j’arrivai aux États, je m’embauchai dans une manufacture de coton, à huit piastres par semaine. Au bout d’un mois on m’en