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VI — LE REPAS DE BIENVENUE


Les premières émotions passées, on se mit à table, la faim de chacun était fort animée. Tant il est vrai de dire qu’au milieu des plus grandes joies comme sous l’accablement d’une douleur immense, la nature prend toujours le dessus, et nécessite en tout temps la nourriture qui doit soutenir nos forces.

Joseph prit, au bout de la table, sa place de chef de famille. La mère Leblanc s’assit à sa droite, Antoine lui faisant vis-à-vis. Bernard se mit ensuite en face de Mélanie, qui ne restait guère en place, tenue qu’elle était de veiller aux besoins de chacun.

Freddy et petit Pierre, à l’autre bout de la table, commençaient à faire connaissance pour de bon. L’estomac du jeune Américain fondait pour ainsi dire devant la cuisse de poulet dorée que la fermière avait déposée dans son assiette avec une tranche de tomate rosée sur un lit de laitue.

En voyage depuis deux jours, le pauvre n’avait pas mangé à son goût ni à sa faim, toujours à la hâte, entre deux trains, et dans des restaurants d’occasion qui profitent souvent du passage des voyageurs pour écouler leur jambon dur, entre deux tranches de pain trop rassis. La vue d’une table si attrayante, et l’air embaumé qui entrait par les fenêtres grandes