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et que soudain il est tombé de tout son long dans la cuisine, en disant… « Ah ! mon Sauveur ! mes petits, je suis fini ! »

— Il ne faut pas parler de choses aussi tristes, un jour comme aujourd’hui, dit la fermière. Notre père est parti, les yeux fixés sur les champs qu’il avait tant aimés. On doit remercier le Ciel de lui avoir fait la mort si douce. Maintenant, fit-elle, après un silence, je vais serrer mes pâtisseries et farcir le petit goret. Joseph, fais-toi la barbe, et vous, mère, songez que vous allez revoir votre Toine.

Docile, la mère Leblanc prit dans ses bras le petit Jacques, que les voix avaient réveillé. Le fermier après avoir placé son miroir bien en lumière, dans le cadre de la porte, sortit le rasoir de son étui et, le coude en l’air, se mit en frais de se raser.

— C’est à soir, papa, que mon oncle Toine arrive ? fit du dehors une voix claire.

— Oui, viens vite ! et appareille-toi tout de suite, mon bonhomme, si tu veux que j’t’emmène !


III L’ATTENTE


D’un bond, petit. Pierre fut dans la porte. En un tour de main, sa mère débarbouilla sa frimousse brunie, démêla sa chevelure et roula les boucles sur son