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change, en premier lieu, par le fait même de l’échange ; ensuite, pour le risque couru. Le contrat d’assurance apparaît ici comme le frère jumeau du contrat à la grosse ; la prime stipulée dans le premier est corrélative, identique à la part de bénéfice convenue dans le second

Cette part de bénéfice, par laquelle s’exprime la participation du capitaliste ou industriel, qui engage ses produits ou ses fonds (c’est tout un) dans le commerce, a reçu le nom latin d’inter-esse, c’est-à-dire participation, intérêt.

À ce moment donc, et dans les conditions que je viens de définir, qui pourrait accuser de dol la pratique de l’intérêt ? L’intérêt, c’est l’alea, le gain obtenu contre la fortune ; c’est le bénéfice aléatoire du commerce, bénéfice irréprochable tant que la comparaison des valeurs n’a pas fourni les idées corrélatives de cherté, de bon marché, de proportion, de prix. La même analogie, la même identité, que l’économie politique a signalée de tout temps et avec raison, entre l’intérêt de l’argent et la rente de la terre, existe, au début des relations commerciales, entre ce même intérêt et le bénéfice du commerce : au fond, l’échange est la forme commune, le point de départ de toutes ces transactions.

Vous voyez, monsieur, que l’opposition énergique que je fais au capital ne m’empêche point de rendre justice à la bonne foi originelle de ses opérations. Ce n’est pas moi qui marchanderai jamais avec la vérité. Je vous ai dit qu’il existait dans le prêt à intérêt un côté vrai, honnête, légitime ; je viens de l’établir d’une façon qui, ce me semble, vaut encore mieux que la vôtre, en ce qu’elle ne sacrifie rien à l’égoïsme, n’ôte rien à la charité. C’est l’impossibilité d’évaluer les objets avec exactitude, qui fonde, au commencement, la légitimité de l’intérêt, comme, plus tard, c’est la recherche des métaux précieux qui la soutient. Il faut bien que le prêt à intérêt ait eu sa raison positive et nécessitante pour qu’il se soit développé et généralisé comme on l’a vu ; il le faut, dis-je, à peine de damner, avec les théologiens, l’humanité tout entière, que je fais profession, quant à moi, de considérer comme infaillible et sainte.