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religion, je les liens pour une conception sincère et sérieuse de votre intelligence.

Mais, monsieur, pensez-vous que le Peuple puisse vous suivre longtemps dans le dédale des Antimonies ? Son génie ne s’est pas façonné sur les bancs vermoulus de la Sorboune. Les fameux : Quidquid dixeris, argumentabor, — ego verò contrà — ne vont pas à ses franches allures ; il veut voir le fond des choses, et il sent instinctivement qu’au fond des choses il y a un Oui ou un Non, mais qu’il ne peut y avoir un Oui et un Non fondus ensemble. Pour ne pas sortir du sujet qui nous occupe, il vous dira : Il faut pourtant bien que l’intérêt soit légitime ou illégitime, juste ou injuste, providentiel ou satanique, propriété ou spoliation. La contradiction, soyez-en sûr, est ce qu’il y a de plus difficile à faire accepter, même aux esprits subtils, à plus forte raison au Peuple.

Si je m’arrête à la première moitié, j’ose dire à la bonne moitié de votre thèse, en quoi différez-vous des économistes ?

Vous convenez qu’avancer un capital c’est rendre un service qui donne droit à un service équivalent, lequel est susceptible d’évaluation, et s’appelle intérêt.

Vous convenez que le seul moyen de dégager l’équivalence de ces deux services, c’est de les laisser s’échanger librement, puisque vous repoussez l’intervention de l’État, et proclamez, dès le début de votre article, la liberté de l’homme et du citoyen.

Vous convenez que l’Intérêt a été, dans son institution providentielle, un instrument d’égalité et de progrès.

Vous convenez que, par l’accumulation des capitaux (qui certes ne s’accumuleraient pas si toute rémunération leur était déniée), l’Intérêt tend à baisser, à mettre l’instrument du travail, la matière première et l’approvisionnement toujours à la portée plus facile de classes (dus nombreuses.

Vous convenez que les obstacles qui arrêtent cette désirable diffusion du capital sont artificiels et se nomment : priviléges, restrictions, monopoles ; qu’ils ne peuvent être la conséquence fatale de la liberté, puisque vous invoquez la liberté.