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vail et de production pour l’emprunteur : mais on oublie que la valeur rendue est également un service, un moyen de travail et de production au même titre pour le prêteur, et qu’ainsi, l’usage du même service se balançant dans le même temps donné, l’intérêt du capital est une absurdité non moins qu’une spoliation. On énumère avec pompe les bénéfices d’une épargne qui, en se multipliant indéfiniment par la rente, produit l’opulence scandaleuse de quelques oisifs ; mais on oublie que ces bénéfices, prélevés par celui qui ne fait rien sur celui qui travaille, produisent la misère effroyable des masses, auxquelles ils enlèvent souvent la subsistance, toujours au moins l’épargne, le loisir et la possibilité de laisser quelque chose à leurs fils. On proclame à grands frais la nécessité de la formation des capitaux, et l’on ne voit pas que l’intérêt restreint cette formation en un nombre presque imperceptible de mains, tandis que l’abolition de la rente y appellerait tout le monde sans exception, et que les capitaux se multiplieraient dans une proportion d’autant plus grande que chacun devrait compenser par le chiffre de la valeur du fonds l’intérêt supprimé. « Dire que l’intérêt s’anéantira, c’est donc dire qu’il y aura un motif de plus d’épargner, de se priver, de former de nouveaux capitaux et de conserver les anciens, » puisque d’abord toute richesse acquise restera toujours une richesse ; qu’ensuite chacun pouvant toujours s’enrichir en proportion exacte de son travail et de son épargne, nul ne sera conduit par l’opulence et la misère excessives à la dissipation et à l’imprévoyance ; qu’enfin tous vivant, non plus sur l’intérêt mais sur le fonds, il faudra nécessairement que l’importance du capital compense le chiffre de la rente abolie.

Tout le monde sait que le zéro, bien que n’ayant par lui-même aucune valeur intrinsèque et absolue, a cependant une valeur de service et d’usage dans la numération ou la multiplication des valeurs, puisque chaque nombre s’accroît d’une dizaine selon les zéros qui les suivent. Dire que le taux naturel et vrai de l’intérêt est zéro, c’est donc dire simplement que l’usage ne peut s’échanger que contre l’usage et jamais contre la propriété. De même qu’une paire de bas