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pauvre qu’il travaille davantage, nous aurions la misère du propriétaire-capitaliste-entrepreneur, qui sa verrait forcé d’entamer son capital, et, partant, de détruire incessamment, avec la matière du produit, l’instrument du travail même ?

Mais qui ne voit que si, comme cela est inévitable dans le régime de la gratuité, les deux qualités de travailleur-salarié, d’une part, et de propriétaire-capitaliste-entrepreneur de l’autre, deviennent égales et inséparables dans la personne de chaque ouvrier, le déficit qu’éprouve A dans les opérations qu’il fait comme capitaliste, il le couvre immédiatement par le bénéfice qu’il obtient à son tour comme travailleur : de sorte que, tandis que d’un côté, par l’annihilation de l’intérêt, la somme des produits du travail s’accroît indéfiniment ; de l’autre, par les facilités de la circulation, ces produits se convertissent incessamment en Valeurs, et les valeurs en CAPITAUX ?

Que chacun, au lieu de crier à la spoliation contre le Socialisme, fasse donc son propre compte ; que chacun dresse l’inventaire de sa fortune et de son industrie, de ce qu’il gagne comme capitaliste-propriétaire, et de ce qu’il peut obtenir comme travailleur : et, je me trompe fort, ou sur les 10 millions de citoyens inscrits sur les listes électorales, il ne s’en trouvera pas 200,000, 1 sur 50, qui aient intérêt à conserver le régime usuraire, et à repousser le crédit gratuit. Quiconque, encore une fois, gagne plus par son travail, par son talent, par son industrie, par sa science, que par son capital, est directement et surabondamment intéressé à l’abolition la plus immédiate et la plus complète de l’usure ; celui-là, dis-je, qu’il le sache ou qu’il l’ignore, est, au premier chef, partisan de la République démocratique et sociale ; il est, dans l’acception la plus large, la plus conservatrice, révolutionnaire. Quoi donc ? Serait-il vrai, parce qu’ainsi l’a dit Malthus et qu’ainsi le veut, à sa suite, une poignée de pédants, que 10 millions de travailleurs, avec leurs enfants et leurs femmes, doivent servir éternellement de pâture à 200,000 parasites, et que c’est afin de protéger cette exploitation de l’homme par l’homme, que l’État existe, qu’il dispose d’une force armée