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Laissons donc là la Banque de France. Que vous appréciiez bien ou mal ses torts, que vous exagériez ou non son action funeste, elle a un privilége, cela suffit pour qu’elle ne puisse en rien éclairer ce débat.

Peut-être, néanmoins, pourrions-nous trouver là un terrain de conciliation. N’y a-t-il pas un point sur lequel nous sommes d’accord ? C’est de réclamer et poursuivre avec énergie la liberté des transactions, aussi bien celles qui sont relatives aux capitaux, au numéraire, aux billets de banque, que toutes autres. Je voudrais qu’on pût librement lever partout des boutiques d’argent, des bureaux de prêts et d’emprunt, comme on lève une boutique de souliers ou de comestibles.

Vous croyez à la gratuité du crédit ; je n’y crois pas. Mais enfin, à quoi bon disputer, si nous sommes d’accord sur ce fait que les transactions de crédit doivent être libres ?

Assurément, s’il est dans la nature du Capital de se prêter gratuitement, ce sera sous le régime de la Liberté, et sans doute vous ne demandez pas cette Révolution à la contrainte.

Attaquons donc le privilége de la Banque de France, ainsi que tous les priviléges. Réalisons la Liberté et laissons-la agir. Si vous avez raison, s’il est dans la nature du crédit d’être gratuit, la Liberté développera cette nature, — et soyez bien convaincu que je serai, si je vis encore, le premier à m’en réjouir. J’emprunterai gratis, et pour le reste de mes jours, une belle maison sur le boulevard, avec un mobilier assorti et un million au bout. Mon exemple sera sans doute contagieux, et il y aura force emprunteurs dans le monde. Pourvu que les prêteurs ne fassent pas défaut, nous mènerons tous joyeuse vie.

Et puisque le.sujet m’y entraîne, voulez-vous, tout profane que je suis, que je dise un mot, en terminant, de la métaphysique des antinomies ? Je n’ai pas étudié Hégel, mais je vous ai lu, et voici l’idée que je m’en suis formée.

Oui, il est une multitude de choses dont on peut dire avec vérité qu’elle sont un bien et un mal, selon qu’on