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les trois premières catégories, 6 pour 100, soit donc, sur 20 milliards, 1, 200 millions. — Ajoutez l’intérêt de la dette publique, environ 400 millions ; en tout 1,600 millions d’intérêt annuel, pour un capital d’un milliard.

Or çà, dites-moi, est-ce aussi la rareté de l’argent qui est cause de la multiplication exorbitante de ces usures ? Non, puisque toutes ces sommes ont été prêtées, comme nous venons de le dire, à un taux moyen de 6 pour 100. Comment donc un intérêt, stipulé à 6 pour 100, est-il devenu un intérêt de 160 pour 100 ? Je m’en vais vous le dire.

Vous saurez, monsieur, qui croyez que tout capital est naturellement et nécessairement productif, que cette productivité n’a pas lieu également pour tous ; qu’elle ne s’exerce d’habitude que sous deux espèces, l’espèce dite immeubles (terre et maison), quand on en trouve le placement, ce qui n’est ni toujours facile, ni toujours sûr ; et l’espèce argent. L’argent, l’argent surtout ! voilà le capital par excellence, le capital qui se prête, c’est-à-dire qui se loue, qui se fait payer, qui produit toutes ces merveilles financières que nous voyons s’élaborer à la Banque, à la Bourse, dans tous les ateliers de l’usure et de l’intérêt.

Mais l’argent n’est point chose qui s’exploite comme la terre, ni qui se consomme par l’usage comme une maison ou un habit. Ce n’est pas autre chose qu’un bon d’échange, ayant créance chez tous les négociants et producteurs, et avec lequel, vous qui par exemple faites des sabots, vous pouvez vous procurer une casquette. En vain, par le ministère de la Banque, le papier se substitue peu à peu, et du consentement de tous, au numéraire : le préjugé tient bon, et si le papier de banque est reçu à l’égal de l’argent, c’est qu’on se flatte de pouvoir, à volonté, l’échanger contre de l’argent. On ne veut que de l’argent.

Lorsque je loue de l’argent, c’est donc. au fond, la faculté d’échanger mon produit, présent ou futur, mais non encore vendu, que je loue : l’argent, en lui-même, m’est inutile. Je ne le prends que pour le dépenser : je ne le consomme ni ne le cultive. L’échange conclu, l’argent redevient disponible, capable, par conséquent, de donner lieu