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mon avoir. Or, ce que je mangerai, ce sera pourtant quelqu’un qui l’aura produit. Ce quelqu’un n’étant pas moi, mais autrui, je vivrai donc aux dépens d’autrui, ce qui est un vol. Et cela se comprend, car le service que j’aurai rendu n’est qu’un prêt ou l’usage d’une valeur, tandis que le service qu’on m’aurait remis en échange serait un don ou la propriété d’une chose. Il n’y a donc justice, égalité, équivalence de services que dans le sens où l’entend Jérôme.

Valère veut occuper, un an durant, la maison de Mondor. « Il sera tenu de se soumettre à trois conditions. La première de déguerpir au bout de l’an et de rendre la maison en bon état, sauf les dégradations inévitables qui résultent de la seule durée. La seconde de rembourser à Mondor les 300 francs que celui-ci paye annuellement à l’architecte pour réparer les outrages du temps ; car ces outrages survenant pendant que la maison est au service de Valère, il est de toute justice qu’il en supporte les conséquences. Le troisième, c’est de rendre à Mondor un service équivalent à celui qu’il en reçoit. » Or ce service est l’usage d’une maison pendant un an. Valère devra donc à Mondor l’usage de la même valeur pendant le même laps de temps. Cette valeur devra être librement débattue entre les deux contractants.

Jacques vient d’achever la confection d’un rabot. « Guillaume dit à Jacques :

— « Il faut que tu me rendes un service.

— » Lequel ?

— » Prête-moi ce rabot pour un an.

— » Y penses-tu, Guillaume ! Et si je te rends ce service, quel service me rendras-tu de ton côté ?

— » Le même, bien entendu ; et si tu me prêtes une valeur de 20 francs pour un an, je devrai te prêter, à mon tour, la même valeur pendant une égale durée.

— » D’abord, dans un an, il faudra mettre le rabot au rebut : il ne sera plus bon à rien. Il est donc juste que tu m’en rendes un autre exactement semblable, ou que tu me donnes assez d’argent pour le faire réparer, ou que tu me remplaces les deux journées que je devrai consacrer à le re-