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MES « TRENTE-HUIT HEURES »

sorte de semi-inconscience, j’évoquai la vision des gens qui rentraient chez eux, fermaient les volets sur l’intimité des chambres closes, allumaient leur lampe de chevet. Je pensais à mon lit, si douillet sous les chaudes couvertures, avec la tentation du matelas si uni, si élastique où s’étendent les membres las… la fraîcheur du drap sous mes joues brûlantes…

Mes yeux se fermaient plusieurs fois par minutes… Des mouvements inconscients faisaient cabrer ou piquer mon appareil et je me réveillais en sursaut, avec cette idée lancinante : ah ! dormir ! dormir !…

― Oui, mais… dormir dans un avion à cinq ou six cents mètres de hauteur, cela équivaut à un suicide. Dormir, c’est mourir…

Je dois dire que je l’ai souhaité : il me semblait être au bout des forces humaines. Pourtant, je ne voulais pas abandonner. L’accident ou la panne… qui, sans que j’y fusse pour rien, me délivreraient de toutes ces abominables souffrances, soit !… Mais personnellement, je ne voulais pas céder.