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MES « TRENTE-HUIT HEURES »

pectifs et je crois que je recommencerais n’importe quoi, sauf ça !… C’est indicible… il faut l’avoir vécu — et personne ne l’a vécu — pour comprendre.

Le soleil s’est couché, le veinard !… Moi, je dois tourner encore et toujours… Je me fais l’effet d’une damnée dans un cercle infernal… Depuis des heures et des heures, attachée dans mon étroite carlingue, mes pieds ne pouvant quitter le palonnier, ma main droite ne pouvant lâcher le manche à balai, je subis cette effarante immobilité qui m’ankylose et me supplicie.

Muscles, nerfs, cerveau, cœur, tout chez moi me paraît atteint : il n’y a que la volonté qui demeure intacte.

Dès que je bougeais une jambe, je ressentais de si vives douleurs que je criais de détresse, seule dans la nuit. Ma main droite, blessée par le continuel frottement contre le manche à balai, saignait…

Mon esprit n’était pas moins douloureux que mon corps. Je vivais dans la perpétuelle terreur de rencontrer un des avions militaires