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1639. septembre.

ron un an avant que mourir, comme sy elle m’eut voulu laisser cette consolation dans ma prison, quy m’estoit certes tres grande ; car il me divertissoit beaucoup et me rendoit la prison plus douce. J’avoue que j’y avois trop mis mon affection ; mais en fin je luy avois mise. Il arriva que, le lundy 12me septembre, comme j’estois monté sur la terrasse de la Bastille avec Mrs le comte de Cramail, du Fargis, et madame de Gravelle[1], et le comte d’Estelan[2] quy ce jour là m’estoit venu voir, une grande et vilaine levriere noire de Mr du Coudray, que j’avois toujours tellement apprehendée pour mon chien que je le prenois d’ordinaire entre mes bras quand je sçavois qu’elle estoit en haut, en se voulant jouer avesques luy, luy mit un pié sur son petit corps de telle sorte qu’elle luy creva le cœur en ma presence ; certes cet accident me creva le mien, et m’affligea sy fort que j’en ay esté fort longtemps triste, et que le souvenir mesme de cette pauvre beste me tourmente l’esprit[3].

On me manda ce mois là qu’il y avoit de nouveau quelque esperance de l’eschange de mon neveu de Bassompierre contre quelque prisonnier : mais ce bruit n’a pas continué.

  1. Marie Creton d’Estourmel, dame de Gravelle, fille d’Antoine Creton d’Estourmel, seigneur de Surville, et de Madeleine de Blanchefort, tante du maréchal de Créquy. Elle avait eu du marquis de Rosny une fille naturelle, qui était mariée à M. de Contenan. Tallemant des Réaux prétend qu’elle eut à la Bastille, où elle demeura plusieurs années, une amourette avec le maréchal de Bassompierre (Historiette de Bassompierre). Elle était née en 1598.
  2. Fils du maréchal de Saint-Luc et d’Henriette de Bassompierre.
  3. Voir à l’Appendice. XVIII.