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journal de ma vie.

Franches Montaignes[1], quy n’avoit encores esté mangé, parce qu'il estoit gardé par les païsans du lieu quy en avoint retranché les avenues ; et ceux des païs voysins y avoint transporté ce qu'ils avoint de plus cher. Il força donc ce retranchement, et ayant tué partie des païsans quy s’opposerent a luy, le reste fit joug. Il trouva là de quoy se loger, et y hiverner, comme aussy forces chevaux pour remonter ses gens, qu’une mortalité quy avoit couru l’année precedente sur les chevaux avoit la pluspart mis a pié. Les Suisses se voulurent formaliser de cette invasion du Waimarch dans les païs quy estoint sous leur protection ; mais en fin on les rapaisa par belles paroles.

Fevrier. — J’avois eu de monsieur le cardinal tant de bonnes paroles l’année precedente lors qu’il me fit asseurer qu’il n’y auroit jamais aucune paix ny tresve que le roy ne me rendit ma liberté avec tant d’avantages et de marques de sa liberalité et bonté, que j’aurois toute sorte de sujets d’en estre satisfait, que je creus estre obligé de luy en resfraischir la memoire, et d’autant plus que, vers le commencement du mois de fevrier, je fus adverty que l'on traittoit sourdement, mais fort chaudement, une tresve pour quelques années entre France et Espaigne : ce quy m’occasionna de prier ma niece de Beuvron de luy aller faire des instances de ma liberté, sy souvent promise, sy ardemment attendue de moy, et quy avoit esté sy mal effectuée. Elle trouva donc moyen, apres plusieurs

  1. Les Franches-Montagnes, en allemand Freybergen, région du Jura aujourd’hui comprise dans le canton de Neuchâtel, avaient pour lieu principal Franquemont sur le Doubs.