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journal de ma vie.

Comte et a M. le cardinal de la Vallette, il m’entretint assés longtemps, me disant qu’il avoit fait ce qu’il avoit peu pour porter la reine sa mere a se raccommoder avec monsieur le cardinal, mais qu’il n’y avoit sceu rien gaigner, ne me dit jammais rien de madame la princesse de Conty : puis je luy dis que l’on m’avoit donné avis qu’il me vouloit faire arrester et que j'estois venu le trouver affin que l’on n’eut point de peine a me chercher, et que, sy je sçavois ou c’est, je m'y en irois moy mesme sans que l’on m’y menat. Il me dit là dessus ces mesmes mots : « Comment, Betstein, aurois tu la pensée que je le voulusse faire ? Tu sçais bien que je t’ayme » ; et je crois certes qu'a cette heure là il le disoit comme il le pensoit. Sur cela on luy vint dire que monsieur le cardinal estoit en sa chambre, et lors il prit congé de la compagnie, et me dit que je fisse avancer le lendemain matin de bonne heure la compagnie quy estoit en garde affin qu’elle la peut faire a Paris, puis me donna le mot.

Nous demeurames quelque temps cheux la reine, et puis nous vinmes tous soupper cheux Mr de Longueville, et de là nous retournames cheux la reine ou estoit venu le roy apres soupper. Je vis bien qu’il y avoit quelque chose contre moy ; car le roy baissoit toujours la teste, jouant de la guittare sans me regarder et en toute la soirée ne me dit jammais un mot. Je le dis a Mr de Gramont, nous allant coucher ensemble en un logis que l’on nous avoit appresté.

Le lendemain mardy 25me jour de fevrier, je me levay a six heures du matin, et comme j’estois devant le feu avec ma robbe, le sieur de Launay lieutenant des gardes du corps entra en ma chambre et me dit :