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journal de ma vie.

continua encores jusques a ce que le roy alla disner, et que monsieur le cardinal le suyvit.

Cette brouillerie fut tenue sy secrette de toutes parts, qu'aucun n’en sceut rien et qu’on ne s’en doutta pas. Mesmes Monsieur frere du roy, quy avoit esté au devant du roy jusques a Montargis, le roy luy ayant fort prié de s’accommoder avec monsieur le cardinal a quy il vouloit mal, luy avoit respondu qu’il luy supplioit tres humblement de vouloir entendre les justes raysons qu’il avoit de le hair, apres quoy il feroit tout ce qu’il plairoit a Sa Majesté luy commander, ce que le roy ayant escouté tout au long, pria Monsieur de vouloir oublier ses pretendues offenses et aymer monsieur le cardinal, luy avoit promis[1] ; mais le roy estant arrivé le samedy a Paris, soit que Monsieur fut mallade, ou qu’il feignit de l’estre, n’estoit point encores venu trouver le roy quy le soir mesme[2] envoya Le Plessis Pralain apprendre des nouvelles de sa santé : mais peu apres, Le Plessis Pralain vint dire au roy que monsieur son frere estoit dans le logis, quy le venoit trouver ; sur quoy le roy envoya querir monsieur le cardinal, et ayant un peu parlé a monsieur son frere, luy presenta monsieur le cardinal et le pria de l’aymer et de le tenir pour son serviteur, ce que Monsieur promit assés froidement au roy de faire, pourveu qu'il se comportat envers luy comme il devoit. J’estois present en cet accord apres lequel estant proche de monsieur le cardinal, il me prit et me dit : « Monsieur se plaint de moy, et Dieu sçait s’il en a sujet ; mais les battus

  1. C'est-à-dire : Monsieur le lui avait promis.
  2. Le soir même du dimanche 10 novembre.