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journal de ma vie.

fort bonne chere, et parla a moy en grande confidence. Mais le lendemain j'aperceus en luy quelque froideur pour moy, dont demandant la cause a Mr de Chasteauneuf, il me dit en confidence que l’on avoit donné avis a monsieur le cardinal que j'avois porté quelques parolles de la part de Monsieur a la reine mere avec un pouvoir de l’arrester s’il fut mesavenu du roy ; a quoy j'oserois jurer que Monsieur n’avoit pas eu la pensée, parce que, quand je partis, il ne se douttoit pas que le roy fut en peril. Il me dit aussy qu’estant venu descendre au logis de Mr d’Alaincourt ou Mr de Crequy estoit desja logé, Mr de Guyse estant venu une partie du chemin avesques moy, et luy s’estant encores logé porte a porte de Mr d’Alaincourt, cela avoit peu donner quelque ombrage de moy, quy estois tous les soirs cheux madame la princesse de Conty et tout le jour cheux la reine mere. Je luy dis que je n’avois pas veu, le matin que j’estois party, Monsieur frere du roy, et que le soir precedent je n’avois pris congé de luy ; que je n’avois pas encor dit un seul mot a la reine mere, que tout haut ; que c’estoit l'office d’un courrier, et non d’un mareschal de France, d’estre porteur de tels pouvoirs, quy fussent venus trop tard sy Dieu n'eut pas miraculeusement guery le roy ; que depuis dix ans je n’avois pas eu d’autre logis a Lion que celuy de Mr d’Alaincourt mon ancien amy ; que ce n’estoit pas d’astheure que Mr de Crequy et moy vivions comme freres, mais depuis nostre premiere connoissance, et qu’il y avoit pres de trente ans que je hantois cheux madame la princesse de Conty ; que Villeclair[1] et

  1. Peut-être La Ville-aux-Clercs.