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journal de ma vie.

vous pouvés esviter en l’attaquant au dessous de la riviere : [et par là][1] la ville est sy prenable, et avec sy peu de travail et de temps, que je ne me sçaurois assés estonner comme on se veut attacher en quelque autre endroit, et crois que la trop grande clarté et lumiere, que nous avons de cette place, nous esblouit et aveugle. »

Apres que j’eus ainsy opiné, Mr le Prince se tournant vers les autres du conseil, leur dit : « Je vous avois bien asseuré que Mr de Bassompierre vous donneroit un avis tout particulier, mesprisant celuy de tous les autres comme des ignorans : et quy plus est, il le sçaura tantost sy bien estaller au roy qu’il le fera passer pour le meilleur. Pour moy je ne suis pas sy presumptueux, et me conforme a l’avis commun, que je diray au roy estre le general, auquel le seul Mr de Bassompierre contrarie. » Lors je luy repliquay : « Je suis bien malheureux, Monsieur, que mes bonnes intentions soint mal prises de vous. J’en ay dit ce qu’en ma conscience j’ay creu devoir dire pour le service du roy, apres quoy j’en suis quitte, et reviens a l’avis commun, vous asseurant que je n’en proposeray aucun au roy : bien vous supplieray je tres humblement de me dispenser de servir a ce petit siege ; je seray plus frais a estre employé a un autre. » Il me dit lors qu’il n’en feroit rien, et qu’il me feroit bien servir puis que j’estois premier mareschal de camp. Allors je luy dis que je luy remettois cette charge, me reservant a servir de celle de colonel general des Suisses, et en tout ce ou son particulier service tres humble le requerroit. Il me dit qu’il ne m’avoit point

  1. Inédit.