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journal de ma vie.

Apres que ces messieurs quy avoint commencé le siege, eurent mené Mr le Prince et Mrs de Pralain et de Chomberg en lieu d’ou ils pouvoint a plein voir et reconnestre la ville, il leur fut aysé de leur persuader de l’attaquer par le fond de la vallée et de s’attacher a la teste de la corne : ce que Mr de Marillac principalement leur fit sy facile (possible parce qu’il estoit amoureux de son ouvrage commencé), que Mr le Prince, pour ne perdre temps, s’assit sur un rocher d’ou l’on descouvroit clairement la ville et toutes ses avenues, et nous appella autour de luy au conseil. J’y arrivay des derniers parce que j’avois voulu faire une bonne reconnoissance de la place pour en faire mon rapport. Je fus bien estonné a mon arrivée quand je vis que chascun concluoit[1] a attaquer la ville par la corne du vallon, et que l’on ne faisoit aucune reflexion sur les deux costés du haut et bas de la riviere[2], quy estoint sans comparaison plus faciles. Je me contins toutefois, contre ma coustume, tant pour n’interrompre ceux a quy Mr le Prince demandoit l’avis, que pour ne luy donner aucune prise de m’attaquer, comme il avoit fait le jour precedent, et ne m’avoit parlé depuis. Il arriva que, sans garder l’ordre de demander les opinions, je fus le dernier, a quy Mr le Prince dit avesques peine : « Monsieur de Bassompierre, quelle est vostre opinion ? » Je me hasarday de luy donner en cette sorte :

« Monsieur, sy jamais aucune place a esté de facile et prompte reconnoissance, c’est celle cy, laquelle du

  1. Il y avait aux précédentes éditions : continuoit.
  2. De l’Aveyron.