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journal de ma vie.

querir, puis][1] me dit : « Bassompierre, je sçay que vous estes fasché de ce que je fais mareschal de France Mr de la Force, et que Mr de Chomberg, et vous, vous en plaignés, et avesques rayson ; mais ce n’est pas moy quy en suis cause, sy bien Mr le Prince quy me l’a ainsy conseillé, pour le bien de mes affaires, et affin de ne laisser aucune chose derriere moy en Guyenne, quy m’empesche de passer promptement en Languedoc : neammoins avisés ce que vous desirés que je face pour vous, que j’ayme et tiens pour mon bon et fidelle serviteur. » Je jure qu’a cette heure là je n’avois jamais aspiré, ny pensé a la charge de mareschal de France, et que je ne la desirois pas esperduement ; car, a mon avis, c’estoit un office de vieil homme, et moy je voulois encores faire quelques années celuy de galant de la court. C’est pourquoy je luy respondis que j’estois extremement estonné du discours qu’il me faisoit, ny quy luy avoit peu persuader que je me mutinasse[2] de voir faire du bien a autruy, bien moins a un de mes amis, vieux seigneur, et experimenté, auquel je sçavois que le feu roy son pere avoit destiné un baston de mareschal de France et luy eut donné s’il eut vescu encor un mois ; qu’il avoit esté rebelle, mais qu’il cessoit maintenant de l’estre, et que c’estoit un acte signalé de la bonté de Sa Majesté d’oublier les fautes de ses serviteurs, pour se ressouvenir et recompenser leurs merites et leurs services ; que pour moy je n’aspirois point a la charge de mareschal de France, ny a aucune chose qu’a ce

  1. Inédit.
  2. Il y avait aux précédentes éditions : que je m’ennuyasse.