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appendice.





XII



Le roi dansa au Louvre et à l’Hôtel de ville le ballet du Sérieux et du Grotesque, dont les vers avaient été faits par le sr Bordier, ayant charge de la poésie près Sa Majesté.

On y vit une entrée des Bouteilles coiffées, qui se transformaient en femmes, et des colonels suisses qui, les fuyant alors, étaient attirés par des gobelets qu’elles avaient en main ; et le maréchal de Bassompierre, représentant le colonel général des Suisses, dut réciter les vers suivants :

Lorsqu’Amour me faisoit mourir,
Bacchus m’est venu secourir
Et rendre à jamais redevable ;
Et toutesfois ce petit Dieu
Dans mon cœur qu’il rend miserable
Prétend d’avoir le premier lieu.

Le plus beau trait de son carquois
Me vient blesser toutes les fois
Que Bacchus me donne audience ;
Et par des traits inopinés
Amour, quand je perds patience,
Me met son flambeau dans le nez.

Souvent la teste et les pieds nus
Au pied des autels de Venus
J’en fais ma plainte et ma prière ;
Mais cet enfant, comme je croy,
Pour se donner toujours carrière,
Se rit de sa mère et de moy.

Grands Dieux, ne soyez plus jaloux,
Faites la paix, accordez-vous,
Sans me tourmenter davantage ;
Mon cœur, sensible à vos plaisirs,
Afin d’en faire le partage
Vous abandonne mes desirs.