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appendice.

« Je vous diray icy à ce suject un traict de la charité de Monseigneur le Garde des seaux, qui commanda à l’un des siens, tost apres la prise de la ville, qu’il racheptast les filles et les femmes qu’il trouveroit entre les mains des soldats, afin que par ce moyen leur honneur et leur vie fust conservée. Ce qu’il fit de celles qu’il rencontra, lesquelles il amena a mon dit Seigneur le Garde des seaux, jusques au nombre de quinze, qui furent conduites en son logis, comme en lieu de refuge et d’azyle, dont les unes ont esté renvoyées avec escorte és lieux d’où elles s’estoient réfugiées dans Negrepelisse, sur l’advenement de l’armée Royale de Sa Majesté, et les autres ont esté conduittes en lieu de seureté. »

Le duc de Chevreuse, et Roger, valet de garde-robe du roi, s’honorèrent aussi, dit-on, en rachetant plusieurs femmes ; et Pontis, alors jeune officier, sauva l’honneur d’une jeune fille de dix-huit ans. L’historien protestant Levassor s’élève contre cette assertion que plusieurs des femmes de Négrepelisse se livrèrent de bon gré au vainqueur.

Loisel, dans le Thresor de l'histoire generale de nostre temps, après avoir raconté que « le 10 et 11 juin, la ville fut forcée et prise d’assaut, huict cens des habitans tuez, toutes les femmes et filles violées et massacrées, et la ville generalement pillée, puis bruslée », et que « le chasteau pareillement forcé, furent encore trouvez quelque 40 soldats dedans, qui furent tous pendus et estranglez », ajoute cette tranquille réflexion : « Et voila que c’est de provoquer un grand roy à couroux. »

Il est juste de dire, si quelque chose peut diminuer l’horreur du sac de Négrepelisse, que pendant l’hiver, les habitants de cette ville avaient égorgé quatre cents hommes du régiment de Vaillac, qui y tenaient garnison, et que de plus le bruit s’était répandu parmi les soldats, que pendant le siége de Montauban, les malades et les blessés de l’armée royale, transportés à Négrepelisse, y mouraient empoisonnés par les remèdes qui leur étaient fournis.