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journal de ma vie.

poindre, nous apperceumes les Anglois appareiller pour venir a nous, dont je m’estois doutté plus de deux heures devant par les lanternes des barques allant et venant aux vaisseaux. J’estois a Chef de Bois, et envoyay en diligence Lisle Rouet en donner avis au roy, et mon neveu de Bassompierre a monsieur le cardinal quy estoit venu se loger en mon quartier le soir auparavant. Je fus sur la rive au plus proche de nostre flotte voir l’ordre qu’ils tenoint et sçavoir sy je les pouvois ayder de quelques choses ou d’hommes. Valançay m’envoya son cousin de Lisle pour m’asseurer que, bien que le vent quy leur estoit contraire les brouillat un peu, il m’asseuroit qu’il ne craignoit point la flotte angloise, et que je regardasse aussy de faire tirer en sorte que les canonnades n’incommodassent point leurs vaisseaux. Je fis qu’ils prindrent un peu plus en arriere leur poste affin de faire plus beau jeu a mes batteries. Mr de la Rochefoucaut demeura toujours avec moy quy jugea tres bien des intentions des ennemis, et m’assista fort bien, et utilement. J'envoyay en mesme temps faire battre aux champs a nos trouppes, et laissay Le Hallier pour les commander et mener sur la rive ou Mr le duc de la Vallette colonel de l’infanterie[1] les tint en tres bon ordre, attendant qu’il y eut lieu de mener les mains.

Le roy et monsieur le cardinal arriverent incontinent apres, et l’armée angloise mise en trois ordres, l’avant

  1. Le duc de la Valette avait été pourvu en 1610 de la charge de colonel général de l’infanterie française en survivance du duc d’Épernon, son père, en faveur duquel cette charge avait été érigée en office de la couronne.