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1628. septembre.

sante et dix vaisseaux. Je passay la nuit a Chef de Bois.

Le vendredy 29me les Anglois mirent a la voile bien qu’avesques peu de vent et approcherent de l’anse de Cou de Vache et du Plom. On avoit pris les armes : mais comme le vent n’estoit pas pour leur faire faire grand exploit, je fis retourner au travail de la digue ; puis je fus au devant de monsieur le cardinal quy vint disner cheux moy, et me mis dans son carrosse. Un coup de canon de la ville emplit son carrosse de terre.

Apres disner le roy me manda qu’il venoit loger en mon quartier, mais qu’il n’y envoyoit point de mareschaux des logis, me mandant que je le logeasse a ma fantaisie, ce que je fis, et sy bien qu’outre ses sept offices, sa chambre, sa garde robbe, ses gardes du corps, et autres personnes necessaires, je logeay encores ses mousquetaires a cheval, ses chevaux legers, gensdarmes, et plus de douse cens gentilshommes, sans les princes et grands, dans mon quartier de Laleu. Outre cela je donnay couvert a six compagnies des gardes et a trois de Suisses outre les trois quy y estoint desja, et j’y receus et festoyay la compagnie de telle sorte et sans embarras que chascun s’en esmerveilla. Aussy despendis je huit cens escus par jour tant que le roy y sejourna, quy furent cinq semaines.

Les ennemis s’approcherent vers le Plom ; le roy les alla reconnestre. Il leur arriva encores quelque quinse vaisseaux de plus. Je fis donner a tous mes quartiers le meilleur ordre que je peus : je renforçay mes gardes, et ne bougeay toute la nuit de battre l'estrade sur la rive du Plom.