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journal de ma vie.

le vent contraire retardoit son retour. Le roy prit l’allarme bien chaude et me l’envoya donner avec la mesme lettre qu’il avoit receue quy contenoit que six cens hommes devoint sortir par mer dans des barques de la Rochelle et venir en haute mer aborder dans les platains[1] d’Angoulains, mettre pié a terre, forcer a coups de petard le Pont de la Pierre et puis se rembarquer dans leurs mesmes barques et s’en revenir a la Rochelle. Quand j’eus fait reflexion sur cette lettre, je jugeay l’avis impertinent et manday au roy que six cens hommes dans des barques se voyent venir par le canal ; qu’ils ne s’oseroint hasarder de se jetter dans les platains, car ils seroint perdus : qu’ils ne sçauroint se desbarquer sans estre deffaits par les regimens de Piemont et de Rambures, logés a Angoulains, devant le quartier desquels ils devoint forcement passer ; que quand bien ils prendroint sans resistance le Pont de la Pierre dont le chasteau est bon, bien fossoyé, et quy peut estre deffendu par vingt hommes contre toute la puissance de la Rochelle s’ils n’ammenoint du canon, ils ne se pourroint rembarquer a cause de la mer quy seroit en une heure retirée des platains, et que par consequent Sa Majesté pouvoit dormir en repos, l'asseurant que, sy les ennemis l’entreprenoint, j’avertirois par trois coups de canon tirés du Fort Louis leur arrivée, plus d’une heure avant qu’ils se peussent desbarquer, et que ce seroit une gorge chaude pour les regimens de Piemont et de Rambures. Nonobstant toutes ces raysons ceux quy estoint pres du roy le conseillerent de monter a cheval :

  1. En langage du pays, rivages plats que la haute mer recouvre.