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journal de ma vie.

J’avois ce jour là disné cheux Mr de Chomberg quy me dit que la nuit precedente il estoit entré six vingts bœufs dans la Rochelle, mais que l’on ne sçavoit pas sy c’estoit du costé que je gardois, ou du leur. Je l’asseuray que du mien rien n’y estoit passé.

Le vendredy 14me je fis adjouter a mes autres travaux la construction de la redoutte du Coulombier rouge. Je fis sonder les marais de Lafons et doubler toutes mes gardes pour empescher que rien n’entrat dans la ville, et me fis certain que les bœufs n’y avoint point passé, au moins dans mon quartier.

Le roy quy estoit allé passer quelques jours a Marans, ou La Roche-Guyon mourut, fut averty par Mr d'Angoulesme des le lendemain que les six vingts bœufs furent entrés dans la Rochelle, et[1] luy manda qu'ils estoint entrés par mes quartiers, dont le roy fut fort en colere et m’envoya le marquis de Grimaut[2] le samedy 15me de janvier, par lequel il me fit tesmoygner le mescontentement qu’il avoit de ma negligence et de mon peu de soin. Je fus tellement indigné de cette ambassade que je ne luy voulus respondre autre chose sinon que j’estois bien d’accord que ces bœufs estoint entrés, mais que je ne l’avois sceu empescher, et que je verrois Sa Majesté a laquelle je rendrois compte de l’impossibilité de cette affaire, et que ce seroit quand il me commanderoit de l’aller trouver, et non autrement.

    était construite à l'entrée de la pointe de Coreilles, sur l'avant-port.

  1. M. d’Angoulême manda au roi.
  2. Esprit Alard d’Esplan, marquis de Grimault. Voir t. II, p. 289, note 2.