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journal de ma vie.

l’autre costé pour nous empescher : c’est pourquoy je vins dire a Mr le mareschal de Vittry et a Mrs de Pralain et Mr le Prince quy avoint charge des trois premiers esquadrons, que le roy leur mandoit de passer, ce qu’ils firent en un instant ; et comme nous vismes que de l’autre costé du passage il n’y avoit nul obstacle, je dis au roy que s’il luy plaisoit de passer, je luy menerois en un instant son infanterie. Il entra a l’heure mesme au guay et le passa[1], comme aussy les autres trois esquadrons. Allors je fis avancer les battaillons[2] quy estoint de l’arriere garde et les Suisses, et fis mettre les chefs pié a terre pour donner courage aux soldats de passer l’eau. Je me mis a pié dans l’eau a leur teste[3], et a un instant les Suisses et Navarre pesle mesle passerent, quy furent suyvis en une telle diligence des gardes, et de Normandie, que sept mille hommes comptés que le roy avoit d’infanterie passerent en un quart d’heure a minuit, la nuit estant fort brune, un guay ou il y avoit de l’eau plus haut que la ceinture, et large comme la Seine est devant le Louvre, quy n’estoit qu’a cinquante pas de la pleine mer. Cela fait, nous campasmes sur le bord sans garder aucun ordre, hormis que nostre cavalerie

  1. « Le 16 esveillé a minuict, monte a cheval...., entre dans une isle sans qu’il y ayt des gens de guerre. » (Journal d’Hérouard.)
  2. Il y avait aux précédentes éditions : escadrons.
  3. Tallemant des Réaux, peu bienveillant en général pour Bassompierre, lui rend cependant justice en cette occasion : « Aux Sables d’Olonne, dit-il, il acquit de la réputation, paya de sa personne et monstra le chemin aux autres : car il se mit dans l’eau jusqu’au cou. » (Historiette de Bassompierre.)