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journal de ma vie.

lesme au party duquel ils estoint entierement attachés, pour tascher de les accorder ensemble. Il luy remontrerent qu’estant le second mareschal de France, j’aurois tout le pouvoir de l’armée, l’intendance des montres, et la charge de colonel general des Suisses, quy[1] me donnoit grand avantage sur luy ; outre cela mon activité a travailler, ce qu’il ne pourroit faire comme moy a cause de la goutte quy parfois le tourmentoit, et des affaires du conseil estroit auquel il estoit occupé ; son inimitié avec le marquis de Rosny grand mestre de l'artiglerie avesques quy j’estois en parfaite intelligence ; et finalement l’affection des gens de guerre quy estoit grande vers moy quy les avoit quasy toujours menés et commandés avesques beaucoup de douceur, m’attireront tout l’employ a son esclusion ; que Mr d’Angoulesme demeurant, et moy m’en allant, il auroit toute l’entiere puissance, Mr d’Angoulesme n’en voulant que le nom, et despendre entierement de luy avec quy il se vouloit unir fraternellement.

Ces persuasions et d’autres qu’ils ajouterent firent tourner casaque au mareschal de Chomberg sans qu’il eut plus d’esgard a son honneur, a l’interest de sa charge, ny a mon amitié ; et ayant convenu en cette sorte avec Mr d’Angoulesme, des le lendemain matin mercredy 13me il dit au roy qu’il estoit prest de recevoir Mr d’Angoulesme pour son compagnon en la lieutenance generale de l’armée puis qu’il le trouvoit desja en charge, ce qu’il n’eut fait s’il n'y eut esté, et que j’avois tort de luy contester.

  1. C'est-à-dire : ce qui.