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journal de ma vie.

vallet de garde robbe, qu’il me vint appeler. Il me dit, quand je fus arrivé, que je n’avois point de rayson de me fascher de ce qu’il avoit envoyé Mr d’Angoulesme en Poitou ; que l’on luy avoit forcé ; qu’il ne luy avoit donné aucun pouvoir ; et que, des qu’il seroit en estat de s’acheminer en son armée, qu’il le contremanderoit pour me la mettre en main : et moy je luy respondis que je ne m’en mettois point en peine, que je ne songeois pour l’heure qu’a sa santé (pour laquelle je faisois des continuels vœux a Dieu), et qu’estant sa creature, j'approuvois tout ce qu’il faisoit, quand bien ce seroit a mon prejudice.

Sur les entrefaites arriva la nouvelle de la descente du duc de Bocquinguem en l’isle de Ré malgré l’opposition que Toiras luy avoit voulu faire[1], et qu’au combat il y estoit mort plusieurs braves hommes[2] ; que Toiras s’estoit retiré a Saint Martin, taschant de garder la citadelle quy n’estoit point encores proveue des choses necessaires pour la maintenir, et qu’infailliblement le duc de Bocquinguem la prendroit. On fut quelque temps a celer cette nouvelle au roy de peur d’accroitre son mal : puis en suitte on luy desguisa et ne luy fit on pas sy grande qu’elle estoit. Mais monsieur son frere brusloit de desir d’aller a l’armée et se fascha aigrement contre monsieur le cardinal quy luy dit qu’il ne conseilleroit point au roy de luy permettre,

  1. La descente des Anglais en l’île de Ré, et le combat, eurent lieu le 23 juillet. Toiras avait obtenu, l'année précédente, le gouvernement d’Aunis, laissé vacant par la mort du maréchal de Praslin.
  2. Entre autres Restinclières le jeune, frère puiné de Toiras, et le baron de Chantal, père de madame de Sévigné.