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journal de ma vie.

ne le recevroit pas, et renvoyay Montagu en toute diligence vers luy.

Le mercredy 9me nous nous embarquames a deux heures apres minuit : mais la tempeste nous accueillit de telle sorte que nous fusmes portés vers Dieppe, puis contraints de retourner prendre terre proche de Douvre, ou nous retournames ; dont le chevalier de Jars, quy m’avoit quitté sur le pont en m’embarquant, fut averty par son homme quy estoit demeuré malade a Douvre et n’en partit qu'apres mon desbarquement audit Douvre.

Le duc quy fut averty par luy de mon retardement a Douvre, m’y envoya visiter par Montagu le samedy 12me et me prier de retourner jusques a Cantorberi ou il se rendroit le lendemain dimanche 13me, comme il fit, avec les comtes de Carlile, de Holland, Gorin, et le chevalier de Jars. Il me voulut faire voir sa splendeur par le magnifique festin qu’il m’y fit le soir, auquel j’employai l'apres soupper a le persuader de rompre ou de retarder son voyage.

Le lundy 14me je continuay ma mesme pratique, contre laquelle il estoit entierement porté : tout ce que je peus faire fut de luy faire dilayer jusques a ce qu’il eut de mes nouvelles par Gerbier qu’il envoya avec moy. Il me fit encor a disner un aussy superbe festin que celuy du soir precedent ; puis nous nous embrassames pour ne nous plus revoir.

Je trouvay a mon retour a Douvre que mon train en estoit party. Mais il courut une telle fortune que de cinq jours il ne peut arriver a Calais, et qu’il fallut jetter mes deux beaux carrosses dans la mer, dans lesquels il y avoit par malheur pour plus de quarante