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journal de ma vie.

Finalement Montagu me vint dire de la part du duc que, bien que je retinsse pres de moy le père Sansy, le roy ne laisseroit pour cela de me donner audience le lendemain, quy fut le jeudy 15me auquel le comte de Brischwater[1] me vint mener avec les carrosses du roy a Amptoncourt. Puis le duc me mena dans une galerie ou le roy m’attendoit, quy me donna une bien longue audience et bien contestée. Il se mit fort en colere, et moy, sans perdre le respect, je luy repartis en sorte qu’en fin luy cedant quelque chose, il m’en accorda beaucoup. Je vis là une grande hardiesse, (pour ne dire effronterie), du duc de Bocquinguem, quy fut que, lors qu’il nous vit le plus eschauffés en contestations, il partit de la main et se vint mettre en tiers entre le roy et moy, en disant : « Je viens faire le hola entre vous deux. » Lors j’ostay mon chapeau, et tant qu’il fut avec nous, je ne le voulus remettre, quelque instance que le roy et luy m’en fissent : puis quand il se fut retiré, je le remis sans que le roy me le dit. Quand j’eus achevé et qu’il peut parler a moy, le duc me dit pourquoy je ne m’avois pas voulu couvrir luy y estant, et que n’y estant plus, je m’estois sy franchement couvert. Je luy respondis que je l’avois fait pour luy faire honneur, parce qu’il ne se fut pas couvert et que je l’eusse esté, ce que je n’avois voulu souffrir : dont il me sceut bon gré et le dit depuis plusieurs fois, me louant. Mais j’avois encores une autre

  1. John Egerton, second fils de Thomas Egerton, baron Ellesmere, vicomte Brackley, chancelier d’Ang1eterre, et d'Élisabeth Ravenscroft, avait été créé comte de Bridgewater en 1617. Il mourut le 4 décembre 1649.