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journal de ma vie.

d’autant plus asseurement qu’il croyoit que l’intention du roy estoit conjointe a leurs desseins, veu que Sa Majesté luy avoit commandé l’année precedente qu’il eut a rompre les pratiques trop ouvertes que l’on faisoit pour ce mariage, et a en destourner les frequentes entrevues.

Le 4me de may le roy voulut faire l’exercice de son regiment des gardes dans la court du Cheval blanc, et en donner le plaisir aux reines et aux princesses, quy le verroint faire de la grande galerie. Je m’en allay ce jour là apres disner a Paris pour empescher qu’une de mes nieces de Saint Luc ne se fit feuillantine. Je pris congé du roy quy me dit par deux fois que je n’y avois que faire, et que je visse faire l’exercice ; mais moy ne songeant a rien ne laissay pas de m’y en aller.

Le lendemain 5me, sur les six heures du matin, Bonnevaut[1] me vint trouver, que le roy m’avoit envoyé la nuit pour me mander comme il avoit fait arrester prisonnier le mareschal d’Ornano et que je ne manquasse pas de m’en venir le jour mesme a Fontainebleau, ce que je fis.

Monsieur s’estoit fort offensé de cette prise et estoit venu en faire de grandes plaintes au roy. Il s’adressa premierement a monsieur le chancelier, luy demandant sy c’estoit par son avis que l’on eut pris le mareschal d’Ornano, lequel luy dit qu’il en estoit bien estonné, et qu’il n’en sçavoit rien. Il fit en suitte la mesme demande a monsieur le cardinal, quy luy respondit qu’il ne diroit pas comme monsieur le chancelier, et

  1. Le sieur de Bonnevaut était chargé de la garde du cabinet des armes du roi.