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journal de ma vie.

j’escoutay plus que je ne parlay, ce que je fis d’autant plus volontiers que je trouvay monsieur le cardinal fort retenu et ne s’ouvrant gueres, blasmant seulement la legereté, precipitation, et peu de jugement de Mr du Fargis quy meritoit une capitale punition d’avoir osé sans ordre du roy entreprendre une chose de telle consequence. Apres disner il vint au conseil ou nous nous trouvasmes, et monsieur le garde des sceaux de plus ; auquel je remarquay qu’un chascun s’amusa plus a blasmer l’ouvrier qu’a desmolir l’ouvrage ; que l’on parla peu du traitté, beaucoup du contractant, et qu’il fut plus discouru des moyens qu’il y auroit d’y adjouster quelque chose pour le rendre moins mauvais, qu'il ne fut proposé de le desavouer et le rompre ; quy me fit juger que l’on eut bien désiré qu’il fut meilleur, mais que l’on ne vouloit pas qu’il n’y en eut point du tout.

Cela fut cause que je me retiray entierement de l’affaire, et me mis a faire mon jubilé sur la fin du caresme (avril).

Cependant on tacha d’apaiser le mieux que l’on peut les intéressés ; Mr le prince de Piemont et Mr Contarini se retirerent ; on tascha d’ajouster quelque chose au traitté, d’en esclaircir d’autres, et de ratifier le tout ; ce que l’on fit, a mon avis, premierement pour donner la paix a la chrestienté quy s’en alloit jetter en une cruelle guerre, et puis en suitte pour donner ordre a certaines pratiques quy se faisoint au dedans avec Monsieur, frere du roy, en apparence pour troubler le mariage projetté entre madelle de Montpensier et luy, en effet pour brouiller et troubler l’estat et mettre les deux freres en division.