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journal de ma vie.

sions luy faire prendre une bonne resolution sur ce sujet. Je trouvay a mon arrivée les choses assés bien disposées a ce dessein : le roy avoit donné a Mr le prince de Piemont la qualité de lieutenant general de ses armées dela les monts, avoit promis un renfort de huit mille hommes de pié françois et de mille chevaux pour y grossir l’armée qu’il avoit en Italie, a laquelle il vouloit joindre aussy les trouppes qu’il avoit en Valteline, laquelle on pouvoit aysement garder avec deux mille hommes apres la confection des forts que l’on y faisoit construire ; et que moy avesques douse mille Suisses (dont j’estois asseuré), entrerois quand et quand dans le duché de Milan ; de sorte que nous voyions toutes choses preparées selon nos intentions et desirs, quand trois jours apres mon arrivée Mr du Fargis envoya son secretaire avec un traitté de paix ambigu, mal fait, et honteux pour le roy, avec le roy d’Espaigne, sans avoir eu precedemment ordre ny commission du roy, non pas de le conclure, mais de le projetter seulement.

Il y avoit en ce mesme temps un procureur de Saint Marc ambassadeur extreordinaire de la republique de Venise, nommé Contarin de li Mostachi, quy me dit, lorsque je le fus voir la veille que ce beau traitté arriva, que l’ambassadeur de la republique en Espaigne luy avoit escrit que l’on faisoit quelque traitté secret a Madrid entre France et Espaigne. Je me moquay avec luy de cet avis, l'asseurant que cela ne pouvoit estre : toutefois dans le doutte ou cela me mit, ayant esté rendre compte de ma negotiation a Mr le cardinal de Richelieu, je luy dis ce que le Contarin m’avoit appris. Il me serra la main, et me respondit que je