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journal de ma vie.

par son moyen, le roy en fin me promit de me parler en particulier ; ce qu’il fit un soir (juin) sur le rempart quy est proche de son cabinet, et le bruit courut qu’il avoit parlé lors au Mansfeld [quy estoit venu][1] pour traitter quelque chose avec luy, et estoít a deux lieues de Compiegne[2]. Je luy dis ce que Dieu m’inspira en faveur de mon innocence et contre la calomnie de La Vieville ; de telle sorte que je demeuray fort bien dans son esprit, et luy tres mal : et pour mieux couvrir nostre jeu, le roy voulut que je ne luy parlasse point devant le monde, hormis quand je prendrois le mot, qu’il m’en pourroit dire deux ou trois, et moy autant a luy ; qu’il me feroit mauvais visage ; que je ne montrerois aucune apparence de m’estre raccommodé avec luy, et que, sy j’avois quelque chose a luy faire dire, ce seroit par l’organe de Toiras, de Beaumont[3] ou du chevalier de Souvré[4]. Au reste, des que j’eus parlé au roy, je ne doutay plus de la ruine entiere de La Vieville[5].

  1. Inédit.
  2. La ligue qui se formait contre la maison d’Autriche négociait avec Mansfeld pour le mettre à la tète d’une armée. Ce capitaine avait été reçu avec éclat à la cour d’Angleterre : en France il ne vit pas le roi ; mais il vint, accompagné du duc d’Angoulême, dans le voisinage de Compiègne : il était le 7 juin à Senlis, et le 10 à Crespy (Memoria recondite, t. V, p. 603).
  3. Achille de Harlay, comte de Beaumont, fils aîné de Christophe de Harlay, comte de Beaumont, et d'Anne Rabot d’Illins ; ou peut-être Charles le Normant, seigneur de Beaumont, qui fut premier maître d’hôtel du roi de 1624 à 1630.
  4. Jacques de Souvré, quatrième fils de Gilles de Souvré, marquis de Courtenvaux, maréchal de France, et de Françoise de Bailleul, fut grand prieur de France. Il mourut le 22 mai 1670, dans sa soixante-dixième année.
  5. Le roy en ce mesme temps fit une forte armée qu’il mit sur