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journal de ma vie.

« Ouy, mais, ce dit monsieur le garde des sceaux, cependant les chiens mangent le lievre : la nouvelle année approche, et il faut un tresorier de l’espargne pour la faire. »

Je luy respondis :

« Je n’ay jamais ouy dire que pour trouver un tresorier de l’espargne il faille chasser un surintendant, et que pour le chasser a Montpelier, vous le trouviés a Paris. Donnés vous patience, esclaircissés vous de ce que Mr de la Vieville vous dit, et vous mettés en lieu ou vous puissiés executer les resolutions que vous aurés prises. »

Ils me creurent en fin, mais avec beaucoup de peine : et quand ils eurent quitté le roy, je consideray que l’on n’ammendoit jamais pour changer, et que Mr de Chomberg avoit bien entretenu les armées ; que l’argent n’avoit point manqué ; qu’il estoit aymé des financiers, quy se fioint en sa parole ; et que monsieur le garde des sceaux, mon bon amy, avoit plus d’animosité et d’interest particulier que de reflexion sur le bien des affaires du roy ; que l’on n’accusoit point Mr de Chomberg de larcin, mais de negligence, et que cette negligence n’estoit point apparente, mais seulement dans le discours de ceux quy luy vouloint mal ; et me sembloit que les finances alloint assés bien, et que, changeant de mains, elles pourroint peut estre changer en pis. Comme j’estois sur cette consideration, Mr de Puisieux rentra, quy dit au roy comme il venoit d’avoir nouvelles que Mr le marquis de Seneçay estoit mort a Lion de la blesseure qu’il avoit eue a Royan ; dont j’eus certes un tres grand desplaisir, comme le roy le tesmoygna aussy de son costé :