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journal de ma vie.

l’on luy donne. Le roy donc s'imprima facilement les rapports que l’on faisoit de luy, contre lequel il s’anima jusques a ce point de dire que s’il reschappoit de sa maladie, qu’il luy falloit oster les finances. Je me souviens qu’un jour, comme il en estoit a l’extremité et que les medecins en desesperoint, que Mr le garde des sceaux de Commartin me dit cheux le roy qu’il estoit nécessaire que Mr de Puisieux, luy, et moy, nous puissions parler une bonne heure pour chose quy importoit, mais qu'il ne falloit pas que l’on s’en apperceut. Nous primes l’expedient de m’en aller au logis de Mr de Puisieux, quy estoit sur le chemin de Mauguiot, faisant semblant d’aller visiter au galop, et seul, une garde a cheval que j’avois de ce costé là ; et ayant entré dedans, je me fis mener a sa chambre : monsieur le garde des sceaux quy avoit rammené dans son carrosse Mr de Puisieux, y descendit, feignant avoir quelque affaire encores a luy communiquer ; et nous estans enfermés tous trois, ils proposerent la mort de Mr de Chomberg comme certaine, et qu’il falloit de bonne heure pourvoir a celuy quy le devroit succeder aux finances, de peur que l'on n’en insinuat dans l’esprit du roy quelqu’un quy n’y fut pas propre, ou ne fut pas de nos amis. Mr de Puisieux proposa Mr d’Alaincourt, et Mr de Fleury[1], grand mestre des eaux et forêts de France : moy je nommay Mr de Suilly comme personne desja connue et esprouvée, estimé de tout le

  1. Nicolas Clausse, seigneur de Fleury, fils aîné de Henri Clausse, seigneur de Fleury, grand maître des eaux et forêts de France, et de Denise de Neufville, était cousin-germain du marquis d’Alaincourt. La charge de grand maître des eaux et forêts fut supprimée de son vivant.