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journal de ma vie.

fendue de deux bastions, puis de la contrescarpe de la ville, et finalement des murailles de la ville. Il me dit lors [en colere][1] : « Je sçay bien que c’est : puis que vous n’en avés point donné l’invention, vous ne croyés pas qu'elle puisse reussir, et vous ne serés pas marry qu’elle ne succede pas. » Je luy respondis qu’il avoit bien mauvaise opinion de ma preudhommie de souhaiter le desavantage du roy ; qu’il verra dans le succes que je ne m’y espargneray pas, que je feray le devoir d’un mareschal de camp, et luy feray combattre, s’il veut, toute son armée par ordre cette piece, jusques a ce qu’elle soit emportée ; que du surplus je le remettois a Dieu. Apres quoy les mines estant prestes, on les fit toutes deux jouer, et en suitte attaquer la piece, assavoir : Navarre par celle du flanc et Piemont par la pointe. Mais comme il y avoit au devant une palissade de poutres sur le haut de la piece, quy n’estoit point tombée par les mines, et que ceux quy se logeoint aupres estoint veus de vingt endroits et tués ou blessés a l’instant, nous y perdismes forces gens et y fismes peu de fruit, les mines n’ayans pas fait l’ouverture que nous nous promettions. Mr le Prince m’envoya querir et me dit qu'a son avis tout alloit bien, car il voyoit nos gens aller bravement a l’attaque ; et moy je luy dis qu’a mon avis tout alloit mal, et que le meilleur seroit de terminer promptement cette besongne en la cessant. Sur cela on rammena le sergent de battaille, nommé le Plessis, a quy une mousquetade avoit crevé un œil ; puis en suitte du costé de Navarre, Roquelaure, Serans et Frenel, ces deux der-

  1. Inédit.