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journal de ma vie.

de Bretaigne, et plusieurs ambassades dont il s’est dignement acquitté, vous font voir qu’il n’a pas la langue empeschée ; et m’estonne, Sire, que Vostre Majesté quy l’a veu tant de fois parler devant elle, soit en incertitude s'il parle bien ou mal. Cela, Sire, m’oblige a vous donner un conseil que vous croirés, s’il vous plait, quy est sans autre interest que le vostre (car je n’ay aucune liaison particuliere avec Mr de Comartin), quy est de le faire garde des sceaux ; en laquelle charge, s’il y est propre (comme je le crois), vous aurés fait un bon choix, et d’un homme de bien ; sinon, vous luy aurés seulement donné les sceaux pour les [vous][1] rapporter a Paris, où sans crainte d’offenser que luy, vous luy pourrés oster pour en investir un personnage capable et quy ne soit attaché a autre interest que le vostre, ce quy ne pourroit pas estre en la promotion de Mr Alligre ; car estant lié, comme il appert, avec Mr le Prince et Mr de Chomberg, il vous obligeroit, en luy ostant les sceaux, de faire une entiere subversion de vostre conseil, ce quy seroit perilleux. J’adjouste finalement que, puis que Mr de Comartin a fait le sceau depuis trois mois comme le doyen du conseil, je ne vois aucun inconvenient de luy en donner la charge pour trois autres au bout desquels, ou vous l’en osterés comme incapable, ou vous luy conserverés comme suffisant. »

Le roy prit tres bien mon discours, et apres y avoir un peu pensé me dit : « Ouy, je suis resolu de donner demain les sceaux a Comartin, et n’en diray rien a

  1. Inédit.