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1622. septembre.

aussy, de sorte que luy quy doit ayder a ma parole, aura besoin d’un autre pour parler pour luy. » Je ne repliquay pas lors davantage : mais comme le roy disnoit, j’estois sur un coffre, resvant a l’affaire presente ; et considerant que, sy je n’avois en main quelqu’un a luy offrir, je pourrois bien retarder, mais non rompre entierement la promotion de Mr Alligre, je pensay a luy oster l’opinion en quoy il estoit de Mr de Comartin, par les meilleures raysons que je pourrois. Il ne tarda gueres a disner, et vint aussy tost a moy, extremement animé sur cette affaire : je taschay de le conserver en cette humeur et luy dis que cette affaire estoit plus importante qu’il ne pensoit, et que son conseil ne seroit plus une assemblée de diverses personnes concurrentes a son service, mais un corps entier attaché a leurs interets particuliers. Il me dit qu’il se garderoit bien de faire Alligre garde des sceaux, et que ces messieurs avoint trop tost descouvert leur dessein ; mais qu'il estoit bien empesché quy choysir. Je luy dis lors :

« Sire, je prendray la hardiesse de vous nommer encores Mr de Comartin comme un tres homme de bien, et quy a encores toutes les qualités que vous pouvés desirer a un bon garde des sceaux, et en a une de plus quy est tres importante a l’estat present de vos affaires, que c’est un homme sans cabale, et sans suitte, quy n’est lié ny attaché qu’a Vostre seul service. Et quant a ce que Vostre Majesté craint qu’il n'ait pas la parole libre, quarante ans qu’il y a qu’il est dans vostre conseil, rapportant tous les jours, les commissions qu’il a tous les ans d’aller presider de vostre part aux estats, tantost de Languedoc, tantost