Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 3.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
journal de ma vie.

blant de rien il s’enquit de Mr le mareschal de Pralain s’il ne m’avoit pas dit cela, et plus.

Sur cela il me quitta, et je revins a Rouccelay a quy je fis response que les menaces, ny la disgrace, ne me faisoint pas quitter mes amis, au contraire me lioint plus estroittement avec eux, et que ce n’estoit pas le moyen de m’acquerir que de me menacer ; que je serois toujours tres humble serviteur de Mr le Prince, mais que je ne ferois rien indigne de moy pour acquerir ses bonnes graces.

Le roy cependant parloit a Mr de Pralain quy luy confirma mon dire et l’anima de plus en plus, de sorte qu’un peu apes il me tira a une fenestre et me dit : « Ne faites semblant de rien, et m’attendés a ma chambre au sortir de mon disner. » Je luy dis aussy qu’il devoit dissimuler avec Mr le Prince, et luy cacher qu’il voulut changer de dessein, et qu’il n’en tesmoygnat rien a personne : aussy ne fit il.

Mr le Prince arriva peu après. Mr de Puisieux se retira en son logis comme le conseil fut levé, fort triste, et me dit en partant : « L’affaire est resolue, Alligre est garde des sceaux. » Je luy respondis : « Je ne le croiray point que je ne le voye ; car je ne me veux point rendre malheureux avant le temps. »

Or est il qu’une fois, que le roy me parloit des sceaux en faveur de Mr Alligre (ou il inclinoit), [il] me dit qu'il n’y en avoit aucun pres de luy capable de les avoir que Mr Alligre. Je luy respondis qu’il faisoit tort a Mr de Comartin, quy estoit du conseil depuis trente cinq ans, quy avoit esté en plusieurs ambassades et commissions, personnage ou il n’y avoit rien a dire. Il me respondit : « Ouy, mais il est begue, et moy